
Où sont nos 20 ans ...
La maison avait repris sa respiration,
comme si le temps battait à nouveau entre ses murs.
L’aîné, le cadet, le chat, le chaton, le chien…
un ballet vivant, une rumeur retrouvée.
Mais ce n’était plus la même vie.
Seulement des passages furtifs.
Touch and go.
Un courant d’air qui traverse une pièce
sans s’y attarder.
Je les regardais filer.
Je lavais, remplissais le frigo,
changeais les draps.
Mes gestes étaient les pierres silencieuses
d’un édifice invisible.
Eux passaient au travers
comme sur un pont suspendu.
Un soir, j’ai osé demander :
— Un peu de temps… du temps de famille ?
Ils ont ri, presque tendrement :
— Mais que faisais-tu, toi, à 20 ans ?
Alors j’ai dit la vérité.
À 20 ans, je travaillais.
Personne ne me nourrissait.
Personne ne m’avait offert ce nid douillet
que je leur avais bâti,
brique après brique,
année après année.
Mes mots n’ont pas trouvé leur place en eux.
Ils sonnaient trop lourds, trop anciens.
Eux sont l’air et le souffle.
Moi je suis la pierre et la muraille.
Et j’ai compris que c’était bien ainsi :
j’avais bâti les murs pour qu’ils puissent s’envoler.
Mais dans chaque fissure de ma muraille,
c’est mon amour qui s’infiltrait,
immortel,
même dans le vent qui les emportait.
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